Transformer la pêche : une urgence environnementale, sociale et économique

La pêche est la première source de destruction de la vie marine. En conséquence, transformer le secteur de la pêche est un enjeu prioritaire pour l’avenir de l’océan, du climat, et de l’humanité. Une transition d’autant plus urgente en France, deuxième puissance maritime mondiale derrière les Etats-Unis avec ses 10 millions de km2 de surface maritime.

Près de la moitié de l’humanité dépend de l’océan pour sa survie. Tous les êtres humains dépendent directement ou indirectement de l’océan et de son rôle dans la stabilité du climat mondial. En effet, l’Océan est le principal régulateur du climat, et son bon fonctionnement est une condition primordiale dans la lutte contre le réchauffement climatique et la destruction du vivant.

Les conséquences de la surpêche

La pêche est la première source de destruction des écosystèmes marins. Elle se situe à l’intersection des enjeux écologiques, climatiques et socio-économiques. En l’espace de quelques décennies, nous avons causé une véritable hécatombe de la vie marine : plus d’un tiers des populations de poissons pêchées sont surexploitées, soit trois fois plus que dans les années 70. L’abondance de certaines populations s’est effondrée de 90 à 99%. Par endroits, nous avons littéralement vidé l’océan.

La surpêche : un choix politique

A l’origine de cette destruction systématique de l’Océan se trouve un ensemble de choix politiques, datant pour beaucoup de l’après-guerre et qui perdurent aujourd’hui malgré leur absurdité démontrée. Face à l’effondrement des ressources, la réaction systématique est d’augmenter ou de déplacer l’effort de pêche, de pêcher plus loin, plus profond, avec des méthodes de pêche de plus en plus technologiques et performantes. La pêche est à l’image de notre système économique : un modèle productiviste, extractiviste, dont le seul but est de maximiser les prises pour maximiser les rendements sans se soucier de la durabilité ou de l’utilité de l’extraction des ressources. Un système sous perfusion qui survit en partie grâce à des subventions publiques – nos impôts – à hauteur d’environ 35 milliards d’euros par an à l’échelle mondiale.

Les conséquences climatiques de la pêche

C’est d’autant plus grave car la pêche impacte la santé de l’Océan, dont le bon fonctionnement détermine la stabilité du système-Terre. L’Océan agit comme gigantesque thermostat de la planète : il contrôle la répartition de la chaleur sur Terre, et influence les vagues de chaleur, orages, et autres événements extrêmes. De plus, l’Océan absorbe environ un tiers de nos émissions de CO2 et absorbe 90% de l’excès de chaleur liée aux activités humaines. C’est notre meilleur allié contre le réchauffement climatique, et sa bonne santé est garante du maintien de conditions habitables sur Terre.

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L’impasse du secteur de la pêche

Aujourd’hui, ce système est dans une impasse. Depuis les années 90, le volume total pêché est en déclin, et la surenchère technologique ne permet plus de compenser l’effondrement des ressources. La pêche est la première activité humaine pour laquelle nous avons atteint le plafond de ce que la planète pouvait offrir : le premier rappel à la réalité d’un modèle extractiviste qui considère les ressources naturelles comme infinies.

En France, la pêche est un enjeu central

En Europe, berceau de la pêche industrielle, les écosystèmes marins sont sous une pression constante, et ce depuis des décennies. En 2020, un rapport spécial de la Cour des comptes européenne sur la protection de l’océan indique qu’en dépit du cadre mis en place pour protéger le milieu marin, les actions de l’UE n’ont pas permis de rétablir le bon état écologique des mers, ni d’y ramener partout la pêche à des niveaux durables.

La transition écologique : un levier d’action pour le secteur de la pêche

La transition écologique, espoir majeur face au réchauffement climatique, pourrait être la clé pour le secteur de la pêche. En effet, l’adaptation du secteur à un développement durable est un levier d’action puissant qui pourrait limiter les effets désastreux de la surpêche sur les écosystèmes marins.

L’ONU, par le biais de ses objectifs de développement durable, a identifié le secteur de la pêche et de l’aquaculture comme étant crucial pour la lutte contre le changement climatique. En adoptant des pratiques plus respectueuses de l’environnement, telles que la pêche côtière durable, le secteur pourrait contribuer à l’atténuation du réchauffement climatique.

En France, l’Yonne, par exemple, a initié des actions de transition écologique dans le domaine de la pêche. En encourageant les pêcheurs à adopter des méthodes de pêche plus durables et en limitant le chalutage de fond, des progrès significatifs ont été réalisés.

Cependant, la mise en œuvre de cette transition n’est pas sans défis. Elle implique une redéfinition des politiques et des pratiques, ainsi qu’un engagement fort de tous les acteurs du secteur. La coopération internationale sera également essentielle pour garantir que les efforts déployés dans un pays ne soient pas minés par des pratiques insoutenables ailleurs.

Les aires marines protégées : un outil pour accélérer la transition

Accélérer la transition vers une pêche plus durable passe aussi par l’augmentation des aires marines protégées. Selon le rapport du GIEC, protéger les écosystèmes marins est une mesure efficace pour atténuer l’impact du changement climatique. En créant des zones où la pêche est limitée ou interdite, on favorise la régénération des populations de poissons, on préserve la biodiversité marine et on maintient les fonctions essentielles de l’océan.

Pour Thomas Wagner, expert en océanographie à l’Union Européenne, « les aires marines protégées sont une solution gagnant-gagnant. Non seulement elles aident à sauver l’océan, mais elles offrent aussi une solution de long terme pour la pêche. En laissant l’océan se reconstituer, on assure la pérennité de la ressource halieutique ».

Il est donc impératif d’augmenter la proportion d’aires marines protégées et d’assurer leur stricte gestion. De tels efforts demandent une volonté politique et la coopération des différentes nations.

L’Union Européenne et la transformation du secteur de la pêche

L’Union Européenne a un rôle crucial à jouer pour transformer le secteur de la pêche. En tant que puissance économique majeure et consommatrice importante de produits de la mer, elle a la capacité et la responsabilité de promouvoir une pêche durable à l’échelle mondiale.

Pour cela, l’UE peut mettre en place des politiques encourageant les pratiques de pêche durable et limiter les pratiques destructrices. Elle peut aussi soutenir les efforts de recherche pour améliorer les techniques de pêche et minimiser leur impact sur les écosystèmes marins.

Toutefois, l’UE doit aller plus loin en conditionnant l’accès à ses marchés à la durabilité des produits de la mer. Ainsi, elle pourrait encourager des pratiques de pêche durable à travers le monde et accélérer la transition du secteur.

Conclusion

Transformer le secteur de la pêche est une nécessité pour l’avenir de notre planète. Pour cela, il est impératif d’adopter une approche globale, qui place la durabilité et la protection des océans au cœur des pratiques. Les initiatives locales, comme celle de l’Yonne, sont des exemples à suivre, mais des actions à l’échelle internationale sont aussi nécessaires. L’Union Européenne, en tant que puissance maritime majeure, a un rôle crucial à jouer pour accélérer cette transformation. Si nous agissons avec détermination, nous pouvons non seulement préserver nos océans, mais aussi assurer un avenir durable pour le secteur de la pêche.